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View Full Version : Le cyclisme amateur se meurt à petit feu


milou
July 7th 06, 07:48 AM
Il n'y a guère que les volets clos pour entendre la voix du speaker,
en
ce dimanche de juin, à Saint-Maixent, 800 habitants, au coeur de la
campagne sarthoise. A quelques minutes du coup de sifflet de départ de
la 100e édition du prix du village, une course de niveau régional, la
guinguette égrène seule ses accents nasillards. Les fanions de la
roulotte qui fait office de podium sont à peine agités par le vent.
Et
la ligne de départ n'a pour tout public que l'ombre des bâtisses. Le
long du parcours, quelques proches des coureurs s'éparpillent. Il y a
aussi ceux qui sont là parce que « ça fait une sortie le dimanche
». «
On se demande où sont les gens », lâche le maire, Daniel Lauger, 52
ans.
Ils ne sont pas très loin « les gens » : en week-end, chez les
beaux-parents, ou dans leur jardin. Pas sur le bord du talus pour
encourager les cyclistes du jour en tout cas. Fatigués par la semaine
de
travail et le trajet aller-retour avec Paris. Peu attirés par une
discipline chaque année un peu plus désertée. Au départ de la
course,
ils ne sont en effet qu'une cinquantaine de coureurs en tenue. L'année
précédente, ils étaient une dizaine de plus. Une centaine, à une
époque
que seuls les anciens ont encore en mémoire. Depuis dix ans, le
comité
régional des Pays de la Loire a perdu près de 30 % de ses licenciés.
A
l'échelle nationale, c'est l'hécatombe : -- 50 % de licenciés au
niveau
amateur. Le cyclisme traditionnel sur route n'a plus la cote. L'air du
temps est au VTT, au BMX et à la pratique loisir. Depuis dix ans, les
courses amateur disparaissent elles aussi une à une, dans la même
proportion. Toutes régions confondues. Moins de coureurs, moins de
visibilité, moins de sponsors. « Avant, la rubrique cyclisme c'était
deux pages dans le journal tous les lundis et toujours une photo.
Maintenant, il n'y a plus rien, même pas l'agenda », déplore Joël,
53
ans, l'un des organisateurs. Pour beaucoup, le cyclisme se meurt à
cause
des affres de la vie moderne. Celle qui mettrait en concurrence les
courses cyclistes avec les vide-greniers. Ou le nouveau stade de
football. Construction d'un tramway oblige, deux compétitions dans le
centre du Mans ont ainsi été supprimées cette année. « Notre
terrain de
jeu c'est la route, souligne également Joël. Or elle est de plus en
plus
dangereuse et les parents ont désormais peur de nous confier leurs
bambins. » Des jeunes, c'est ce qu'il manque, à force, au cyclisme
traditionnel. Parce que les études seraient de plus en plus longues.
Le
lieu de travail de plus en plus éloigné. Et le coeur plus vraiment à
l'engagement associatif. Moyenne d'âge des bénévoles en ce jour de
course: 45 ans...« Le cyclisme souffre un peu des maux de la société
»,
résume Roger, 68 ans, signalisateur. Comme d'autres, il constate que
les jeunes « zappent ». Pointe « un goût pour l'effort » -- le
vrai -- qui
s'amenuise. Regrette un sport -- « comme la vie » -- de « plus en
plus
cher ». Environ 4 000 euros par an, frais de matériel, de
déplacements
et de « diététique » inclus. Jusqu'à présent, toutes les
initiatives
menées par la Fédération française de cyclisme (FFC) ont eu des
résultats mitigés.« Garder les jeunes au-delà de l'école de
cyclisme,
c'est la question », avoue Stéphane Heulot, responsable du cyclisme
amateur à la FFC. Peut-être parce que le déclin de la discipline est
à
la mesure de sa désillusion. « Je ne regarde presque plus le Tour de
France, raconte Jean-Michel Waller, président du vélo-club de
Pontlieue,
venu encourager six de ses ouailles. Quand on
voit les images et qu'on a pratiqué le cyclisme, il y a des choses
qu'on
a du mal à comprendre», dit-il dans une claire allusion au dopage. En
1994, son épouse a participéau premier Tour de France féminin. Elle
a
arrêté le vélo depuis, écoeurée.
A Saint-Maixent, dans les rangs du peloton, ils sont aussi une dizaine
d'ex-coureurs de niveau national. « Je participe à ces courses de
clocher pour le plaisir », explique Benoît, un petit brun de 29 ans
qui
a couru jusqu'en 2003 en national. « Parce qu'après trois ou quatre
ans
à ce niveau sans
avoir de résultats,même en t'entraînant comme une bête, tu te poses
des
questions », souligne- t-il. Désormais, « il préfère freiner ».
Pour
être sûr de ne pas repasser dans la catégorie supérieure. Fred, 33
ans,
beau blond, semi-pro jusque récemment, raconte presque sans retenue
qu'il a arrêté à cause des gars qui « se flèchent » -- comprendre
se
dopent -- dans les chambres d'hôtel. Les soirées arrosées aux
amphétamines.
Et les courses pipées, pour la plupart. « Si tu ne te fais pas pote
avec
quatre ou cinq gars qui sont dans tous les coups, tu n'as aucune chance
», raconte Fred.« Ce qui est terrible, c'est que tout ça n'est même
plus
caché, s'indigne Jean-Michel Wallere. Maintenant on
signe les chèques directement sur le capot des voitures. » Guy, 70
ans,
commissaire de la course, maintient, comme la plupart des anciens,
que toutes ces pratiques sont marginales. A l'heure de la remise des
prix, les plus jeunes, eux, insinuent aimablement qu'ils
préféreraient
que leurs enfants choisissent un autre sport.

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