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From l'Humanite



 
 
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Old July 26th 04, 01:17 PM
B. Lafferty
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Mystère Lance
Vainqueur d'un 6e Tour, l'Américain Lance Armstrong entre dans l'histoire du
cyclisme. Il dépasse au palmarès Anquetil, Merckx, Hinault et Indurain. Le
Belge Tom Boonen l'emporte au sprint sur les Champs-Élysées.

" Je ne parlerai pas de domination écrasante de ma part. " Au pays de nos
rêves, il réciterait les contes de fées à nos gamins tous les soirs et l'on
s'endormirait la tête dans les étoiles, tranquilles, heureux, confiant
envers le genre humain. " La bonne condition, c'est le résultat de l'
entraînement, de la chance et d'une santé parfaite pendant toute la course.
" Au pays de la réalité, éprouvé chaque année par trois semaines d'une
épreuve physique parmi les plus difficiles qu'on puisse imaginer, il se
transforme en expérience de l'étrangeté des êtres humains qui " cheminent
non pas sans but ", mais dans la " certitude du but par certains chemins "
(1). " En 1999, je n'ai jamais pensé qu'il y aurait tout cela par la suite.
" La haute compétition est aussi un art de l'imaginaire. " Maintenant, je
réalise que je casse un record, que c'est l'histoire du cyclisme. " Il se
découvre un destin d'Américain que la gloire du vélo laissait indifférent. "
C'était un défi très spécial, beaucoup de gens pensaient que ce n'était pas
possible " (2). À l'heure de comprendre ce qu'il n'entrevoyait même pas,
avec des mots plus humains qu'autrefois et une tendance à la componction,
Lance Armstrong joue là son meilleur rôle. Il s'en amuse presque. Sachant
que son regard d'outre-monde ouvre des perspectives dérangeantes.

Son mental

Tout a été dit et écrit sur la résurrection du bonhomme, au point que
certains professeurs de médecine, émérites et reconnus, aujourd'hui, doutent
même (sans honte) de la réalité de sa maladie. L'excès ainsi exprimé par
quelques-uns traduit au plus juste la somme d'incompréhension renvoyée par
la personnalité d'Armstrong. Cette capacité au dépassement psychologique
intrigue. Rencontré par l'Humanité en 1993 avant même le départ de son
premier Tour de France au Puy-du-Fou, donc bien avant son cancer, il
affirmait déjà : " Je suis impressionné d'être là. C'est très excitant parce
qu'il s'agit d'un très grand show. Je veux réussir. " Avec le recul, les
mots peuvent paraître anodins, mais sa manière de le dire, avec cet accent
inimitable de l'époque, nous avait non seulement impressionnés sur la
détermination de l'homme à " réussir", mais, derrière l'arrogance évidente d
'un gamin de vingt et un ans débarqué de son Texas natal, pointait, avec
éclat croyez-nous, l'envie d'en découdre avec le monde entier et cette
Europe du cyclisme fière de sa tradition.

Onze ans plus tard, une rupture psychophysiologique, qui aurait pu entamer
son orgueil jubilatoire, l'a au contraire transformé en mental hors du
commun. En relisant sa biographie (3), où il évoque longuement son combat
contre les métastases et cette " terreur de mourir" durant " une année
entière", il écrivait : " Je suis un survivant et chaque jour qui passe est
un jour gagné. " Et aussi, après sa guérison annoncée à la fin de l'hiver
1998 : " Désormais, quelle forme étais-je censé donner à ma vie ? Que faire
maintenant ? " Et il ajoutait, lui-même étonné de cette aventure à dormir
debout : " Quelle part ai-je pris à ma propre survie ? Quelle est celle de
la science ou du miracle ? " Lui connaît sûrement la réponse - ou le
croit-il. Et quel que soi l'importance qu'il veut bien attribuer à son
mental pour expliquer cette rémission, il est aujourd'hui l'une des clefs de
ses succès, l'une des rares explications " rationnelles " à sa capacité d'
endurer non la souffrance d'un Tour, mais bien ces surcharges d'
entraînements qu'il s'impose dès le mois de février. Johan Bruyneel, son
directeur sportif, l'affirme : " Je n'ai jamais vu quelqu'un souffrir autant
sur un vélo, bien avant la Grande Boucle. Mais que vaut cette souffrance à
côté de celle qu'il a connue quand il était sur son lit d'hôpital ? "
Armstrong confirme : " Je me sens l'obligation de réussir ma vie mieux qu'
auparavant. "

Sa maladie

Un cancer des testicules se soigne plutôt bien. À condition de le détecter à
temps. Le problème, avec Lance Armstrong, c'est que les médecins, très tôt,
se dirent " très inquiets ". Chimiothérapie, opérations (dont deux au
cerveau pour extirper des lésions), le désastre est quasi programmé. On
parle de cancer " hors de contrôle", en voie de généralisation, aux poumons,
à l'estomac. " On avait plus de réserves sur ses chances de survie que sur
ses chances de reprendre la compétition ", avait expliqué alors son
urologue, le Dr Reeves, qui souligna, à plusieurs reprises sans en dire
plus, que dans le cas d'Armstrong la thérapie n'était pas " nocive pour son
métier " aussi longtemps qu'il la suivrait.

Et le type sauva sa peau. Qu'ajouter à cela en vérité ? Ceux qui osent
encore écrire, en 2004, que le coureur Armstrong, sous l'effet des
médications, en partie expérimentaux, n'est plus le coureur Armstrong d'
avant 1997 sont donc tout aussi suspects que le patient triomphateur. À quoi
bon ? Pourquoi s'émouvoir encore ? Quand Federico Bahamontes, certes âgé de
soixante-seize ans, affirme dans la presse espagnole que l'Américain "
continue à prendre ces médicaments", ce qu'il n'est pas le seul à croire ou
à savoir, le vieux monsieur passe pour un fieffé " salaud " dans la bouche
de quelques commentateurs ex-coureurs. Quand Stephen Swart, ex-coéquipier d'
Armstrong chez Motorola, affirme que l'un comme l'autre prenaient de l'EPO,
il est " aigri ". Quand Prentice Steffen, ex-toubib de l'US Postal, déclare,
pas plus tard qu'hier à l'AFP, qu'il a été licencié par l'équipe américaine
pour avoir refusé de prescrire des produits dopants, on évoque une "
vengeance ". Quant au fameux livre LA confidentiel (4), où une ex-masseuse
accuse le Texan de s'être dopé et où Greg LeMond pense qu'Armstrong ferait
mieux de confesser ses fautes, il s'agit bien sûr d'un " coup médiatique à
des fins commerciales ". Quand, enfin, on s'interroge publiquement sur ses
liens avec le sulfureux médecin sorcier Michele Ferrari, il réplique que l'
Italien " est l'une des personnes les plus correctes dans le monde du
cyclisme ". Les exemples ne manquent pas. Mais ils sont balayés. Autant par
l'intéressé que par la direction du Tour - du moins publiquement. Un médecin
le clame pourtant : " Il n'est pas mort de son cancer, et ça, c'est
formidable, il ne faut jamais l'oublier. Mais pourquoi refuse-t-il de dire
qu'il continue à absorber certains des protocoles d'un grand laboratoire
américain, comme s'il était encore malade ? Pourquoi ? " Seulement : aucune
preuve.

Sa légende

Quand il ne refuse pas de s'épancher, enfin oublieux de ses certitudes,
Lance Armstrong revient parfois sur l'essentiel de son tempérament. " Ma
course contre le temps, raconte-t-il sincèrement, m'a donné le goût de me
battre et m'a fait comprendre qu'on ne peut pas gagner le Tour tant qu'on n'
est pas un homme. " Il faut le croire. Dans cet enfer physique qu'a toujours
été le Tour, plus encore aujourd'hui qu'hier en raison du caractère de plus
en plus pointu des préparations physiques et des moyennes horaires
ingurgitées quotidiennement, Lance Armstrong, qui n'a plus rien d'autre à
perdre " que la vie", s'astreint, avec une fraîcheur d'âme insondable, à un
professionnalisme absolu. N'en doutons pas. Il reste celui qui roule le plus
en hiver, celui qui reconnaît le plus les parcours, les ascensions,
infligeant à ses coéquipiers des sorties éprouvantes hors caméra et sa vie
médiatique de star aux côtés de la chanteuse Sheryl Crow. L'Allemand Jan
Ullrich, 4e cette année, son plus mauvais résultat dans le Tour, méditera
longtemps en lisant cette citation d'Armstrong le concernant : " Il a le
talent pour lui, le plus impressionnant du cyclisme depuis longtemps. Moi, j
'ai le travail. " Capable d'éloges, le Texan : qui l'eut cru à l'heure de
son entrée dans le Panthéon du cyclisme ?

Alors ? D'où vient ce désenchantement profondément incrusté dans le sillage
de ce maillot jaune historique ? Pourquoi le chroniqueur suiveur, pourtant
endurci par quinze années de Grande Boucle et parce qu'il en a vu d'autres,
des drames et des morts, des lauréats de pacotille et d'authentiques
virtuoses dépassés par la biologie, éprouve-t-il autant de pudeur à écrire
deux simples mots : " Bravo champion ! " Est-ce le caractère démoniaque du
personnage, mis à nu vendredi lorsqu'il humilia Filippo Simeoni, l'un de ses
contradicteurs les plus virulents, en l'empêchant de disputer ses chances
dans une échappée ? Non. Est-ce parce qu'il " efface " des tablettes ses
illustres prédécesseurs Anquetil, Merckx, Hinault et Indurain ? Non, car non
seulement il " n'efface " rien mais aucune comparaison n'est envisageable
sérieusement (sans quoi il faudrait admettre que Richard Virenque est le "
plus grand grimpeur de tous les temps ") et que, à l'inverse de tous ses
prédécesseurs, dont le souvenir se plaquera sous ses roues désormais comme
des ombres malfaisantes, il n'a jamais réalisé le doublé Giro-Tour. Est-ce
parce qu'en six années de domination outrageante il n'a jamais failli ? Non
plus, car après tout, les records existent pour être dépassés et en disent
plus sur l'époque que sur les champions eux-mêmes. Est-ce parce que de
sombres naïfs le voient maintenant comme " le plus grand " ? Encore moins :
son palmarès pèse peu à côté de ceux de Merckx ou d'Hinault.

Alors ? Le Tour de France, dans sa folie géniale à créer des personnages à
la hauteur de sa mythologie, dans sa 101e année d'existence, vient d'en
finir avec nos Tours d'enfance. Armstrong est-il le seul responsable ?
Évidemment pas. Théâtre piétiné par un sport toujours en crise, la Grande
Boucle, soumise à la nécessité épique des champions du moment, doit honorer
de bon coeur un Américain perfectionniste et supérieur physiquement,
tactiquement, montrant une intelligence des circonstances réelle. sans que
celui-ci ne soit parvenu néanmoins à tisser un lien d'affection réciproque
avec le public du Tour qui lui témoigne des sentiments ambivalents d'
admiration et de rejet. Comme s'il concentrait trop d'interdits, trop de
suspicions, pour qu'on puisse accueillir ses performances avec sérénité,
malgré l'instant.

17 h 43. En haut des Champs-Élysées, Lance Armstrong se dresse sur sa selle
en franchissant la ligne, jette un regard droit vers le ciel parisien,
canalisant ses instants. Sextuple vainqueur. Seul au monde. Premier homme à
poser le pied sur le nouveau toit du Tour. " Je sais ce que cela signifie ",
dit-il enfin sans restriction. Le poids de l'histoire.

Jean-Emmanuel Ducoin

(1) Maurice Blanchot.

(2) Propos tenus par le sextuple vainqueur lors d'une conférence de presse,
samedi à Besançon, après son contre-la-montre victorieux.

(3) Il n'y a pas que le vélo dans la vie, par Lance Armstrong, Albin Michel,
2000.

(4) LA confidentiel, les secrets de Lance Armstrong, de Pierre Ballester et
David Walsh, Éditions de La Martinière.


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